Ouvrir le débat sur la retraite que nous voulons
A SUD-Énergie, nous sommes convaincus que tous les moyens doivent être mis en œuvre pour bloquer le projet de réforme gouvernemental sur la retraite. Car au-delà des détails, cette réforme se base sur un principe aberrant : faire travailler les salariés plus longtemps, dans un pays rongé par le chômage de masse. Pour chaque salarié qui devra reporter son départ à la retraite, ce sera une embauche de moins, et donc un chômeur de plus. Pour une grande partie, ce seront les mêmes puisque aujourd’hui déjà, seulement 10% des personnes de plus de 60 ans sont en emploi. Et bloquer la part de la richesse nationale (PIB) consacrée à la retraite à 13,8%, et même la faire baisser autour de 12,5% d’après la dernière étude d’impact, alors que dans le même temps, la part des plus de 60 ans dans la population va augmenter de 25% d’ici 2035, là aussi, il fallait oser. Il s’agit bien sûr d’assécher les financements du système par répartition pour laisser la place aux régimes par capitalisation du type Blackrock, qui ont manifestement l’oreille du Gouvernement.
La durée et l’intensité de cette lutte, qui se renouvelle sans faiblir, peuvent mener au retrait du projet de réforme. Mais cette lutte doit s’articuler avec une réflexion de plus long terme sur la retraite que nous voulons. Nous ne pouvons pas nous contenter du maintien du système actuel, ni même d’un retour à celui de 1992 (avant la suite de réformes régressives qui n’ont amené que des baisses de pension et des reports de l’âge à la retraite). Car même à cette époque, nombreux était celles et ceux qui devaient se contenter de retraites dérisoires, notamment en cas de carrières incomplètes.
Nous devons engager ce débat maintenant, même s’il est de longue haleine, car c’est maintenant que la question des retraites est sous le feu des projecteurs, maintenant que chaque citoyen s’intéresse à cette question.
Nous devons nous interroger sur les fondements mêmes d’un système de retraite juste, au-delà du principe partagé d’un système par répartition : doit-il avoir pour objectif de maintenir le niveau de vie des gens ou de réintroduire plus d’égalité ? Quelle part de la richesse voulons-nous consacrer aux retraites, quels niveaux d’inégalité (ou échelle de revenu) acceptons-nous, sur quelle base ? Comment traiter les différences d’espérance de vie dues à la pénibilité, à quel âge partir, comment financer ce système. Donc plus généralement comment répartir les richesses et quelle place laisser au travail.
Il ne s’agit pas, comme certains le font, de s’approprier les fausses évidences portées par le gouvernement sur la nécessité d’un système moins coûteux, plus « universel » (c’est-à-dire aligné par le bas) et d’accepter des régressions majeures (en particulier un recul de l’âge de la retraite, dans un pays qui n’a jamais été aussi riche) en se contentant de négocier des miettes.
Au contraire, nous voulons définir un système vraiment meilleur, qui garantisse à tous et toutes de vieillir à l’abri de l’insécurité matérielles. Plusieurs alternatives peuvent être mises sur la table : amender le système actuel par annuités en y ajoutant plus de solidarité ; envisager des systèmes plus globaux de réduction des inégalités, par exemple par des taux de remplacement dégressifs en fonction du salaire de référence (ex : 100% voire plus pour les salaires au SMIC, 50% pour les hauts salaires, avec éventuellement un plafonnement). Ou plus radicalement, aller vers un système décorrélé des revenus : une retraite unique pour tous, à 60 ans ou moins, sans condition, d’un montant calculé à partir de la richesse moyenne par habitant.
C’est cette proposition que nous soumettons au débat, non pas pour une application immédiate, non pas comme LA solution, mais comme une base de discussion.
Cette proposition vient d’être publiée sur le site de Libération sous forme de tribune. Nous l’avions aussi présentée sur le Media (ici, à partir de la 43ème minute ).