NON au Forfait-Jour !

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Fin septembre 2015, constatant l’opposition massive du personnel contre son projet de forfait-jours et le front syndical contre la casse de l’accord de 1999, la direction d’EDF retirait son projet. En particulier, à la R&D, une consultation du personnel co-organisée par la CGT, SUD et la CFTC démontrait clairement le rejet par le personnel de ce projet : 70% des répondants se sont dits défavorables à la mise en place du forfait- jour pour les cadres (et 6% sont sans avis), et chez les agents à 32h, cette proportion d’opposants atteint 84% des répondants !

Répit de courte durée ! Quelques mois plus tard, la direction chassée par la porte revient par la fenêtre, avec un projet similaire au précédent dans les grandes lignes, s’attaquant cette fois-ci seulement au collège-cadres en donnant l’apparence d’un prétendu « choix ».

Ce qui change dans le nouveau projet

L’accord devient catégoriel, c’est-à-dire qu’il ne s’applique qu’aux cadres. Les modalités de l’accord 32h restent donc en théorie valables, tandis que les questions liées à l’organisation du travail sont rejetées à des négociations ultérieures (télétravail …).

Habile tour de passe-passe, car cela signifie que la représentativité prise en compte pour signer ou dénoncer éventuellement l’accord sont maintenant celles du collège Cadre. Rappelons qu’un accord est réputé valable s’il est signé par une ou des organisations représentant au moins 30 % du personnel, et peut-être dénoncé par une ou des organisations représentant au moins 50% du personnel. Dans le collège cadre, la représentativité s’établit comme suit au niveau national : CFE-CGC : 44%, CFDT : 24%, CGT : 19%, FO : 8%. Pour rappel, bien que représentatif dans de nombreuse unités, dont la R&D, SUD n’est pas considéré comme représentatif au niveau national, et n’est donc pas invité aux négociations.

Le maintien de l’accord de 1999 : un choix en trompe l’œil

Le maintien de l’accord de 1999 permettrait en théorie aux agents qui le veulent de ne pas passer au forfait- jours. Mais s’agit-il véritablement d’un choix ? Compte tenu des pressions que la Direction ne manquera pas d’exercer pour imposer un passage massif au forfait-jours, on peut en douter ; pour se convaincre du contraire, il suffit de voir comment aujourd’hui les nouveaux embauchés se voient dissuadés de travailler à 32h.

Et quelles garanties d’évolution de carrière pour ceux qui ne seront pas passés au forfait-jour ?

Combien de cadres, confrontés à des choix individuels, et surtout au « bon choix » suggéré par la direction, vont-ils faire le choix du forfait-jour, craignant, à tort ou à raison, de sacrifier leur carrière ou tout simplement l’intérêt de leur travail s’ils refusent ?

Or, si la proportion d’agents en réduction collective du temps de travail continue d’être calculée sur la totalité de l’effectif, le « choix » du forfait-jour va mécaniquement faire baisser cette proportion en deçà des 50% requis pour le maintien de toutes modalités de l’accord de 1999. C’est ce que cherche la Direction, n’ayant pas réussi jusque-là à liquider plus brutalement les 35h et les 32 heures collectives.

On le sait, à la R&D, les 32h sont plébiscitées par les femmes car elles permettent de ménager un équilibre familial avec leur carrière professionnelle. Elles seront donc les premières victimes de la destruction des 32h. Elles ont d’ailleurs répondu en masse à la consultation organisée par la CGT, SUD énergie et la CFDT à la R&D : les femmes de moins de 35 ans sont 80% à rejeter l’avenant de forfait-jours alors que les hommes de plus de 50 ans sont seulement 64% : ces chiffres parlent d’eux-mêmes. L’accord de 1999, incitant les hommes à passer à 32h, est une manière de les conduire à davantage s’impliquer dans les tâches familiales, facteur indiscutable d’évolution sociétale vers l’égalité homme-femme. La Direction aura beau jeu de se cacher derrière des « Commissions Egalité Professionnelle », et autres « mesure de rattrapage », avec la disparition des 32h, le mal sera fait sur ce plan essentiel.

 

Quant aux agents de maîtrise, qui ont été 95% à exprimer leur attachement au maintien du dispositif actuel de réduction du temps de travail lors de la consultation citée plus haut, ils risquent d’en perdre le bénéfice du seul fait que les cadres seraient conduits à le quitter. Et dans un contexte où une majorité de cadres serait poussée à travailler plus, la pression sur les salariés en maîtrise et exécution ne pourra être que plus importante, sans aucune compensation !

Les bénéfices éventuels de ce projet de forfait-jours seraient de court-terme seulement, et au détriment des autres collègues : 2 NR pour tous les cadres y passant, certes, mais comment dans ces années de disette, alors qu’on nous annonce des objectifs de baisse de masse salariale, cela ne peut-il pas signifier des NR en moins pour les années à venir ? Quant à ceux qui n’y passeraient pas assez vite ou seraient embauchés par la suite, ils ne verraient bien entendu pas la couleur de ces compensations.

Enfin, notons-le, dans ce projet nouvelle mouture, le nombre de jours de travail, pour un temps plein, serait de 209/an, comme dans la première proposition. Au passage signalons qu’à RTE, le forfait a été signé sur la base de 196 jours, soit l’équivalent de nos 35h actuelles avec des journées de 8h en moyenne. Mais quitte à travailler plus, nous ne serions probablement plus à 13 jours près !

Parlera-t-on aussi de respect des choix quand on voit avec quelle nonchalance la Direction a entendu la protestation massive des agents contre son projet et cherche à le faire approuver par un jeu de représentation syndicale qui lui est favorable, en imposant de limiter la durée des négociations à quelques jours ? Et comme si imposer un tel cadre de négociation ne suffisait pas, la Direction se pare également du ressort du chantage en conditionnant sa réflexion sur le télétravail à la signature de l’accord forfait-jours.

 

Le Forfait-Jours, c’est :

  • Le passage d’une obligation de  moyens (le nombre d’heures travaillées) à une obligation de résultats (les objectifs « négociés » chaque année) ;
  • Une  augmentation  du  temps  de  travail,  objectif  principal  clairement  énoncé  par  la direction ;
  • Une individualisation du contrat de travail,  nuisant au travail collectif, aggravant les inégalités de traitement et fragilisant un peu plus les salariés face à la hiérarchie ;
  • Un double-statut qui va faire naître des tensions entre salariés, et accentuer la souffrance au travail, comme à France Télécom ;
  • Une illusion de volontariat.
  • Une menace sur la Réduction du Temps de Travail et toutes ses modalités locales acquises dans le cadre de l’accord de 1999.

 

Nous n’en voulons pas !

 

L’avis du personnel doit être respecté ;
Les Organisations Syndicales qui négocient ne doivent pas signer l’accord ;
Celles qui ne signeront pas doivent s’opposer si elles sont en situation de pouvoir le faire.