Déclaration sur le projet NEOM au CSE EDF R&D du 14 mars 2024

Lors du CSE d’octobre 2023, soulevant le fait que rien ne garantissait que les recettes du nucléaire français seraient consacrées au financement du renouvellement du parc, et non à des projets internationaux, la Délégation SUD précisait :  “EDF investit dans des projets qui, personnellement, me posent problème, par exemple le projet Néom…”. Vous répondiez : “Tout d’abord, nous ne finançons pas Néom. Nous avons des soucis sur cette affaire de Néom, et très clairement, nous ne souhaitons pas être  impliqués. Pour les raisons que sont celles que vous sous-entendez, bien évidemment. »». Cet échange figure au Compte-rendu.

Or, contrairement à vos propos, EDF participe bel et bien à ce projet démesuré et controversé, via la STEP NESTOR (Station de Transfert d’Énergie par Pompage). En effet, un article VEOL du 31 janvier nous apprend qu’EDF fait partie d’un consortium ayant été retenu pour la réalisation du Reference Design (avant-projet détaillé) et la rédaction des pièces techniques nécessaires aux appels d’offres pour la création de la STEP NESTOR. Et ce travail n’est que le dernier d’une longue liste d’études, démarrées en 2018 et non interrompues par l’assassinat et le démembrement du journaliste Jamal Khashoggi, pour lequel le prince d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (MBS), est soupçonné d’être impliqué. Alors que cet évènement funeste avait déclenché de nombreux boycotts, dont celui du PDG d’EDF pour un forum organisé par MBS, aux côtés d’autres entreprises et du ministre de l’économie.

 

La participation d’EDF à ce projet si controversé a même fait l’objet d’une enquête de la cellule investigation de Radio France, consultable depuis le 2 mars dernier en audio et par écrit. Cette enquête nous éclaire sur bien d’autres facettes néfastes du projet NEOM.

Avant cela, commençons par rappeler en quoi consiste exactement le projet NEOM, mégalopole qui s’étend sur 25 000 km² dans le désert de l’Arabie saoudite (soit presque la surface de la Belgique) :

  • une station de ski opérationnelle toute l’année et censée accueillir les JO d’hiver asiatiques en 2029 ;
  • une île artificielle pour du tourisme de luxe ;
  • un complexe industriel avec un port flottant ;
  • et surtout, une ville immeuble, The Line, haute de 500m, large de 200m et longue de 170km (soit Paris – le Havre à vol d’oiseau).

Sur le plan écologique :

  • NEOM est censée fonctionner avec zéro émission nette, uniquement avec des énergies renouvelables, d’où le besoin d’une STEP pour pallier les intermittences . Mais la construction de la mégalopole est estimée à 1.8 milliard de tonnes de CO2,  de par la consommation massive de matériaux (béton, acier, verre). C’est 4x les émissions du Royaume-Uni sur un an, avec ses 70M d’habitants, par rapport aux quelques millions annoncés pour The Line.
  • Qu’en est-il d’autres considérations environnementales ? En plein désert, il faudra alimenter en eau la station de ski pour sa neige 100 % artificielle, ainsi que toutes les constructions. Concernant la STEP, que ce soit pour la construction ou l’exploitation, une usine de dessalement sera construite, et l’eau dessalée provenant de la mer rouge sera prélevée dans un pipeline existant. Concernant la biodiversité, elle souffrira en plus des artificialisations massives des sols, d’une séparation de milieux écologiques par un mur de 170km.
  • EDF défend ce projet comme un accompagnement à la transition énergétique. Mais ces moyens de production bas carbone ne viennent pas en remplacer d’anciens. Ils sont là pour alimenter des besoins supplémentaires aux antipodes d’une sobriété élémentaire, tels que des taxis volants, une lune et de la pluie artificielles, une plage qui brille la nuit, des golfs dans le désert, des robots omniprésents… Services dont ne bénéficiera pas la population du pays, dont le tiers est au chômage et qui a besoin de logements abordables et de transports en commun, mais dont bénéficieront plutôt de riches étrangers et touristes.

Sur le plan des droits Humains justement, ce projet est une vitrine pour le prince MBS, qui ne s’illustre pas pour son respect de ces droits. Pour mener à bien le projet NEOM, 20,000 personnes de la tribu des Howeitat seront chassées. On déplore déjà une répression féroce et documentée des personnes qui s’opposent au projet : Abdul Rahim al-Huwaiti, qui s’opposait à son expulsion, a été abattu. 5 peines de mort ont été prononcées, et l’ensemble des procès se tiennent à huis clos. Cela annonce la couleur pour The Line, où les caméras de vidéosurveillance seront omniprésentes et où la reconnaissance faciale sera d’usage.

Enfin, à EDF, toutes les voies de recours ont été activées, sans succès :

  • Une alerte éthique classée sans suite ;
  • Un sondage dans le Centre d’Ingénierie Hydraulique (CIH), unité d’EDF Hydro chargée de toutes les études mentionnées plus haut, sondage dans lequel les 3/4 des personnes ayant répondu souhaitent qu’EDF quitte le projet
  • Plusieurs témoignages au sein d’EDF Hydro font aussi état de pressions graves venant de la direction.

Nous dénonçons la participation d’EDF à ce projet, qui l’expose en plus à des procès pour non-respect du devoir de vigilance. Nous souhaiterions savoir si des salarié.es de la R&D sont impliqué.es, notamment dans des études ultérieures dont nous n’avons pas connaissance, comme l’exploitation éventuelle de cette STEP. Nous vous demandons également de préciser vos propos du CSE du 14 octobre. Plus largement, nous déplorons la politique internationale d’EDF guidée par le profit et non par la coopération et l’intérêt des populations, et notamment sa très forte présence en Arabie saoudite ou dans des pays qui ne respectent pas les droits humains. Nous demandons à faire respecter une « clause de conscience »  des salarié.es amené.es à travailler sur ces projets.

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