Plouf ! Les barrages se tirent…
Jean-Luc PORQUET – LE CANARD ENCHAINÉ – 09.01.2019
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publié avec l’autorisation du journal
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Cette frénésie aménageuse nous vaut aujourd’hui – en plus d’une des plus belles chansons du répertoire français (1) – une énorme production d’électricité : 64 TWh (térawattheures), soit autant que 5 réacteurs nucléaires ! Sept fois plus que l’électricité d’origine solaire, trois fois plus que l’électricité venue des éoliennes… pas moins de 68,4% de l’énergie renouvelable produite en France. Et 12% de la production électrique française. C’était trop beau…
Au nom de la sacro-sainte “libre concurrence”, Bruxelles (qui pourtant s’agenouille devant les GAFA) ne cesse de répéter que la France doit briser le monopole d’EDF. Et qu’il faut ouvrir les barrages à la concurrence. Toujours le même dogme : faire entrer “de nouveaux acteurs sur le marché”, comme on dit, fera automatiquement baisser les prix, parole d’eurocrate (coyez Vinci et les autoroutes !). L’État resterait propriétaire des équipements, mais les 433 barrages dont la gestion est concédée (généralement pour soixante-quinze ans) à EDF (et, pour un cinquième d’entre eux, à la Compagnie Nationale du Rhône et à la Société Hydro-Électrique du Midi) passeraient peu à peu à de grandes boites privées, dont les actionnaires pourraient se remplir encore plus les poches. Ces boites s’apprêtent évidemment à se jeter sur les barrages les plus gros, les plus rentables, qui sont depuis longtemps amortis. Le pédégé de Total s’est déjà mis sur les rangs, mais aussi le géant suédois de l’électricité Vattenfall, le canadien Hydro-Québec, etc.
Tout cela va se jouer sous peu : en février dernier, Hulot a envoyé à Bruxelles une lettre proposant l’ouverture à la concurrence des 150 barrages dont la concession arrive à terme d’ici trois ans. Et les eurocrates de se réjouir, de promettre que les nouveaux concessionnaires auront à respecter des cahiers des charges tellement soigné que leur bel argent privé se mettra sagement au service du public. Ce dont doutent fortement les syndicats CGT et SUD-ÉNERGIE, et une députée PS de l’Isère, spécialiste de la question, Marie-Noëlle Battistel (et, à part eux, silence radio).
Et si on n’attendait pas que les élections européennes soient passées pour en parler ?
Jean-Luc PORQUET
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(1) “Gaspard Misère”, par l’injustement oublié Jean-Max Brua.