Les déboires de l’EPR, de Flamanville à Hinckley Point : La Direction met en danger EDF, la sûreté des installations et les salariés
Une nouvelle révélation vient confirmer à quel point la décision d’investir 13,5 Mds d’€, soit la moitié de la valeur boursière du groupe, dans l’EPR Britannique d’Hinckley Point constituait une aberration et une prise de risque extrêmement discutable : un an à peine après le lancement du projet, ce sont déjà 1 à 3 Mds € de dépassement et deux ans de retard qui viennent d’être annoncés dans la presse ! Deux ans de retard après 1 an de travaux ? Soit EDF et ses associés sont partis à l’envers, soit il y a eu mensonge dès le début.
Les alertes de toutes parts – syndicats, associations, administrateurs, jusqu’au Directeur Financier qui a démissionné, n’auront pas suffi à arrêter ce qui ressemble à une fuite en avant, avec la bénédiction et le soutien actif de l’actuel Président Emmanuel Macron.
Les craintes exprimées à l’époque se justifient déjà.
Quelles seront les conséquences pour EDF ? La perte financière que cette aventure pourrait engendrer risque une fois de plus de servir d’alibi pour des baisses d’effectif et des remises en cause du statut, dont les économies escomptées seront de plus marginales par rapport à l’investissement dans Hinckley Point, tandis que les responsables ne seront pas inquiétés – ceux qui n’hésitent pas à prendre des risques inconsidérés pour les autres.
Et que dire de cette obstination à privilégier l’investissement massif dans la filière nucléaire, alors que tous les signaux montrent un risque énorme d’une telle stratégie : objectif, confirmé par le Gouvernement et Nicolas Hulot, de réduction de la part du nucléaire dans le mix de 75 à 50% à horizon 2030 (même si l’échéance peut prêter à débat, la tendance semble acquise), effondrement du coût des énergies renouvelables alors que le coût du nucléaire ne cesse d’augmenter, développement rapide des ENR dans de nombreux pays. Relevons au passage l’hypocrisie de l’Etat qui, bien qu’étant actionnaire ultramajoritaire, a laissé EDF développer cette stratégie en contradiction avec les objectifs de la loi.
Dos au mur, EDF semble enfin envisager à demi-mot une réduction de la capacité installée du nucléaire, mais sans investir massivement dans les énergies renouvelables – en particulier en France, sans s’engager dans l’amélioration de l’efficacité énergétique, sans mettre en place de véritable stratégie de reconversion.
Que de temps perdu, que de manque d’anticipation !
L’autre nouvelle qui vient de tomber est l’avis positif de l’ASN sur la cuve de l’EPR de Flamanville. Mais cet avis ne peut faire oublier les inquiétudes : « Le fond comme le couvercle présentent des marges suffisantes vis-à-vis du risque de rupture brutale », résume le président de l’ASN. Pour autant, ces marges sont réduites « d’un facteur de deux à trois » par rapport à celles qu’auraient garanties des calottes ayant la teneur en carbone réglementaire. Ce qui fait conclure l’un des experts à une « sûreté suffisante mais pas satisfaisante » de la cuve !
EDF devra mener « des contrôles périodiques supplémentaires, afin de s’assurer de l’absence d’apparition ultérieure de défauts », et changer le couvercle – plus difficile à contrôler – d’ici 2024, soit 6 ans après le démarrage de la centrale !
On se rappelle qu’EDF avait poursuivi l’installation et le soudage de la cuve au sein du bâtiment réacteur malgré les défauts dans le forgeage du fond et du couvercle, décelés dès 2014. Cette politique du fait accompli, dans un domaine aussi sensible sur le plan de la sûreté que le nucléaire, est vraiment problématique et fait craindre que l’aspect financier prenne le pas sur l’aspect sécurité. Or les risques d’une telle dérive sont très importants, comme l’ont démontré les scandales du diesel, de l’amiante ou du Mediator par le passé.
Il est temps qu’EDF cesse de confondre lobbying nucléaire et Service Public. Il est nécessaire que les moyens soient donnés aux organismes de contrôle et de recherche publics pour empêcher de telles dérives, et que les enjeux de sûreté passent avant les enjeux économiques.
SUD-Energie demande :
- La transparence sur les comptes d’EDF
- Un arrêt de la baisse des effectifs et une récupération des effectifs perdus ces dernières années
- Des moyens pour une véritable R&D de Service Public, dédiés à la Transition Energétique.