Une loi de transition énergétique soumise au marché

Le manque de moyens de l’Etat perpétuellement avancé pour justifier tous les bradages au privé des filières essentielles comme l’énergie ne tiennent pas. Une part de l’épargne privée – plus florissante que jamais –, pourrait être utilisée (avec un mécanisme de type « livret A » par exemple). Des emprunts d’Etat, avec des taux aujourd’hui quasiment nuls, seraient également envisageables.

Une feuille de route bien trop imprécise

Ce refus de la Puissance Publique de s’engager suffisamment se traduit également par des flous très préjudiciables à la réussite d’une transition énergétique (et notamment à la reconversion des salariés). Ainsi, comment peut-on annoncer dans une même loi que la part du nucléaire dans la production électrique baissera de 75 à 50%, que la consommation sera divisée par deux … et que la puissance nucléaire installée pourra rester à son niveau actuel ? Il y a là un mystère mathématique, à moins de tabler sur un développement massif des exportations, hypothèse qu’il faudrait alors expliciter et confronter avec celles des pays voisins.

De même, l’absence de plan de développement des transports publics, l’absence de remise en cause du modèle économique productiviste posent problème.

Que dire également de l’absence de prise en compte sérieuse de la lutte contre les pollutions aux particules fines, dont une étude montre qu’elles sont responsables aujourd’hui, de 42000 décès prématurés en France chaque année[4] ? Cette absence de cap clair a été illustrée dernièrement par les annonces contradictoires sur l’autorisation des feux de cheminée en région parisienne. Elle conduit également à une politique illisible sur le diesel, leur part continuant à croître dans le parc français, en raison notamment de subventions publiques !

Sur cette question comme sur d’autres, le flou est maintenu par l’absence d’organisme d’expertise ayant accès à l’information, respectant le pluralisme, financé par le Public et délibérant en toute transparence.

 

Ce que nous aurions voulu voir dans la Loi

  • La sortie du marché du secteur de l’Energie, avec l’interdiction de toute appropriation privée de moyens de production et de ressources naturelles (notamment l’exploitation des barrages hydrauliques) et le retour à un monopole public en redéfinissant clairement les missions de service public, avec des niveaux décentralisés et garantissant un contrôle citoyen meilleur que par le passé.
  • L’organisation d’un débat démocratique se soldant par un référendum sur le choix d’un scénario énergétique.
  • La création d’un groupe d’experts, s’inspirant du GIEC pour le Climat, favorisant l’accès à une information pluraliste et indépendante des lobbies.
  • Le développement d’une recherche publique de long terme sur l’Energie ainsi que de filières de formation.
  • Un plan de réduction des transports polluants, passant notamment par une relocalisation de l’économie, le développement de transports collectifs, la priorité du rail sur la route, une politique d’urbanisme conforme à cet objectif.
  • Une remise en cause du modèle productiviste.
  • Des moyens publics conséquents et à hauteur des changements souhaités.

 

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[1] Etude de la Dideme (Direction de la Demande et des Marchés Energétiques) « Fiche n°5 : Coût complet du nucléaire et hypothèses de financement »

[2] « les emplois du photovoltaïque en France [ont] chuté de 32 500 en 2010 à 18 000 en 2012 »
Les Echos, 22/04/2013

[3] « En retenant l’eau dans les barrages et en choisissant à quel moment la turbiner »

[4] Rapport CAFE CBA : Baseline analysis 2000 to 2020 publié en 2005 par le programme CAFE (Clean Air for Europe, “Air pur pour l’Europe”), mené par la Commission européenne de 2001 à 2006