Décès d’un employé : EDF condamné pour « faute inexcusable »
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Ce jugement va certainement faire parler de lui, à juste raison, dans la mesure où il met en cause les faibles doses reçues par l’agent. Le seuil annuel (20mS) a été respecté par EDF mais le jugement souligne que ce sont les doses cumulées sur l’ensemble de la carrière qui sont à prendre en compte. De même le tabagisme de l’agent n’a pas été retenu contre lui, dans la mesure où il avait été déclaré à son embauche et qu’EDF était donc en mesure d’estimer les dangers auxquels il s’exposait.
On peut se réjouir du fait que la notion de longue exposition à un faible danger soit reconnue par une jurisprudence. On sait bien que le risque zéro n’existe pas et il est aussi indéniable que depuis plus d’un siècle les conditions de travail se sont fortement améliorées pour les ouvriers, en particulier grâce aux luttes syndicales. Toutefois, si l’exposition à des dangers immédiats s’est fortement réduite, elle a laissé place à des expositions répétées à des produits et des émanations présentant un fiable danger ponctuellement mais susceptibles d’entraîner des maladies en cas d’exposition prolongée. L’exposition aux radiations en est un exemple emblématique. Il y a malheureusement pour les travailleurs bien d’autres risques d’exposition qui sont reconnus mais dont la prévention et l’évaluation semblent bien légers. On peut prendre l’exemple des composés organiques volatils, présents en particulier dans les composés organiques volatils et les solvants. La législation estime qu’une exposition de 15 minutes à une concentration de 200 ppm peut entraîner des effets immédiats sur la santé, mais elle autorisera un travailleur du bâtiment à supporter jusqu’à 75 ppm pendant 8 heures par jour et 40 heures par semaine !
Ce jugement tombe donc particulièrement bien au moment où l’on évoque la « pénibilité » comme cache-sexe pour habiller l’abandon du système de retraites par répartition. La pénibilité concerne l’ensemble des salariés, elle va de la répétition de positions inconfortables à l’exposition aux produits toxiques en passant par l’exposition au bruit. Le point commun de ces gênes est que l’exposition répétée et prolongée au même facteur de pénibilité entraîne des pertes irréversibles de facultés et peut aller jusqu’à la mort prématurée. L’exposition à cette gêne est aussi présente dans la vie courante, à la maison. Occasionnellement nous devons vivre au milieu d’odeurs de solvants dont la plupart sont toxiques. En général les activités de la vie courante sont suffisamment variées pour permettre au corps de se reposer des diverses agressions qu’il subit, même si certaines d’entre elles peuvent aussi avoir des conséquences sur la santé.
Au travail, outre que l’exposition est plus subie que choisie, elle est répétée et prolongée du fait de l’injonction du capitalisme à spécialiser les activités (la fameuse « division du travail »). Le peintre sera peintre sa vie durant, la secrétaire passera quarante ans devant un clavier et un écran d’ordinateur. Si ce sont des situations qui peuvent aussi satisfaire les salariés, la société ne fait pas tellement d’effort, à la fois pour mesurer systématiquement les expositions aux types de pénibilité, pour les indemniser et les prévenir. Une entreprise comme EDF a par exemple les moyens de proposer de nouveaux métiers à ceux qui ont travaillé trop longtemps au contact de la radioactivité (à condition de ne pas sous-traiter ces activités !) mais il est préférable que ce genre de mobilité puisse être organisé à l’échelle de la société tout entière et pas seulement d’une entreprise.
Malheureusement les évolutions dans la recon-naissance de la pénibilité sont largement insuffisantes au regard du problème posé. Pour ouvrir un droit au départ avancé à la retraite, la pénibilité n’est aujourd’hui prise en compte que si elle a effectivement induit un certain niveau d’incapacité (et qu’il peut être démontré que cette incapacité est liée à l’exposition prolongée). Il n’y a donc aucune reconnaissance pour l’exposition prolongée à un risque encouru et avéré si cette exposition n’entraîne pas des dommages irréversibles. La loi devrait néanmoins améliorer un peu cette reconnaissance, mais par ailleurs, tous les efforts politiques vont dans le sens d’une augmentation de l’exposition par l’allongement du temps de travail : remise en cause des 35 heures, allongement de l’âge de départ à la retraite, etc. Alors que le partage du temps de travail et l’adaptation des métiers aux capacités physiques devrait devenir la norme, la vaste entreprise de dérégulation initiée par Sarkozy et poursuivie par Hollande donne peu d’espoir quant à l’allègement de la pénibilité si le mouvement social ne vient pas changer la donne.
Liens externes
- Les composés organiques volatils (COV) sont des substances qui se caractérisent par leur grande volatilité, c'est-à-dire qu’ils émettent des vapeurs même à pression et température ordinaire de travail, et donc se répandent aisément sous forme gazeuse dans l’air ambiant des ateliers, bureaux ou dans l'atmosphère extérieure environnante.
- Avec la loi sur la réforme des retraites, la pénibilité au travail est au coeur du débat politique et social. Mais elle reste une notion difficile à cerner, dans sa réalité et dans ses conséquences.
Extrait du bulletin de SUD Energie – EDF R&D d'octobre 2013