jugement du Conseil d’Etat : un directeur d’une société anonyme libre de définir les modalités de grève de ses employés ?
Cette décision constitue une remise en cause très grave du droit de grève, puisqu’à terme, EDF, comme n’importe quelle entreprise effectuant une mission de service public, pourrait décider unilatéralement de réquisitionner tel ou tel personnel sur un motif quelconque, sans avoir à le justifier. Et pourquoi ne pourrait-elle pas réquisitionner également demain ses prestataires ?
Ce serait une nouvelle étape dans la logique de libéralisation, qui donne un pouvoir exorbitant à des intérêts privés au détriment du législateur.
On peut légitimement se poser la question du caractère politique de cette décision, dans la droite ligne de la conception sarkozienne du droit des salariés.
Ou peut-être la Direction d’EDF a-t-elle réussi à mystifier le juge en maniant la mauvaise foi avec brio :
– Elle joue avec la peur en invoquant un « risque pour l’approvisionnement électrique du territoire français », laissant croire à un scénario de « France dans le noir » alors qu’il n’était question que d’un risque de délestage, c’est à dire de coupure ciblée (quelques grands clients industriels par exemple).
– Elle accepte ce risque pour elle-même, puisque le résultat de sa politique de réduction des coûts conduit à une augmentation significative des temps de coupure par usagers (aujourd’hui de l’ordre d’1h30 par an)
– Elle s’appuie sur des arguments fallacieux, apportant pléthore de documents internes totalement incontrôlables, pour étayer ce risque (notamment des « circonstances climatiques » particulières que rien ne fonde), alors que l’analyse technique des éléments fournis par RTE montre que le seul risque était de devoir importer … donc de payer !
– Elle prétend ne pas avoir remis en cause le droit de grève puisqu’elle n’a réquisitionné que « 6 tranches sur 17 à l’arrêt », sans préciser qu’il s’agissait de l’ensemble des tranches en grève (à l’exception de Belleville, confrontée à d’autres types de problèmes) !
Actuellement, ce jugement n’autorise que la réquisition des 6 tranches suivantes : CATTENOM1, DAMPIERRE 1, DAMPIERRE 4, CRUAS 1,PALUEL 1 et BUGEY 3.
Mais nous ne pouvons en rester là. C’est pourquoi nous envisageons une procédure sur le fond afin de faire reconnaître par la Justice le droit de grève des salariés d’EDF, en demandant l’annulation de la « note Mathias ».