actionnariat salarié
Le capital d’EDF et de GDF n’est pas ouvert, pourtant, les directions d’entreprises, sures de l’appui du gouvernement, organisent dans toutes les unités des réunions pour présenter les bienfaits de l’actionnariat pour les salariés.
La loi 2004-803 du 9 août 2004 a prévu l’ouverture du capital d’EDF et GDF.
L’article 24 stipule : “Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l’Etat détient plus de 70% du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes”.
L’article 26 de la loi renvoie à la loi n° 86-912 du 6 août 1986 (relative aux modalités des privatisation) qui prévoit d’ouvrir une partie du capital au personnel de l’entreprise (et des filiales).
Taux de rabais et délai de paiement y sont prévus.
Tout est fait pour allécher les salariés !
Gageons que certaines fédérations syndicales «réalistes» ne seront pas insensibles au chant des sirènes et se précipiteront sur les strapontins obligeamment concédés… Quelle meilleure preuve de duplicité !
A Sud-Energie, nous préférons l’action syndicale à l’actionnariat !
Nous appelons les agents d’EDF et GDF à boycotter ces réunions.
NON A LA PRIVATISATION !
NON A L’OUVERTURE DU CAPITAL !
1-Perversité de l’Actionnariat Salarié
Premier argument présenté pour justifier les prétendues vertus de l’actionnariat salarié[1][1] :
“L’actionnariat salarié permet de compenser en partie la plus faible évolution des salaires, il permet d’augmenter le revenu des salariés sans alourdir la masse salariale, ni menacer la compétitivité”
Cette argumentation ne tient absolument pas. Pourquoi ?
La valeur ajoutée dégagée dans l’entreprise se répartit entre masse salariale et profits.
Masse salariale = salaires nets + cotisations sociales des salariés + cotisations sociales des employeurs (appelées souvent “charges” sociales).
Profit = Profit investi (l’investissement de l’entreprise) + Profit non investi qui est distribué sous forme de revenus financiers.
Donc : la valeur ajoutée① (qui dépend du prix établi pour les produits) = Masse salariale + Profit investi + Profit non investi (dividendes)
C’est en gros l’équilibre comptable entre recette et utilisation de cette recette.
On nous ressasse que “toute augmentation de salaire menace la compétitivité” et on est souvent familier avec cette idée qu’une augmentation de salaire se répercutera sur le prix du produit. Mais il est important de comprendre que les dividendes versés aux actionnaires ont exactement la même place que les salaires dans l’équation① de formation des prix. On ne voit donc pas par quel miracle la compétitivité imposerait la stagnation des salaires, alors qu’elle permettrait une large distribution de dividende !
Par contre, cette équation permet de mieux visualiser pourquoi les actionnaires font toujours pression à la baisse sur les conditions de travail et les salaires. A valeur ajoutée constante (=pour un même prix de production) et à investissement inchangé, tout ce qui est pris aux salaires sert à gonfler les dividendes qui leur sont distribués.
Alors pourquoi le patronat est–il tellement favorable à l’actionnariat salarié ?
– Parce que cette forme de rémunération ne donne pas lieu à cotisation sociale.
– Parce que le credo libéral justifie tout ce qui réduit la part fixe de la rémunération et augmente la part variable, c’est à dire la flexibilisation du salaire : une partie du salaire bloquée, et une partie individualisée, sous forme d’association aux résultats financiers.
– Parce que pour rendre obsolète l’affrontement capital/travail, le capitalisme a intérêt à créer une catégorie de salariés-actionnaires, qui seront partagés entre leurs intérêts d’actionnaires et leurs intérêts de salariés. Bien entendu, tous les salariés ne seront pas à la même enseigne : le capital aura intérêt à s’attacher les cadres par “aspersion financière” selon l’image de B. Friot, et ainsi à diviser un peu plus le salariat.
Revenons sur les cotisations sociales. Les politiques libérales, parce qu’elles ont la volonté de favoriser l’actionnariat salarié, l’ont exempté de cotisations sociales côté employeurs mais aussi d’impôt côté salariés. Certains considèrent donc que c’est tout bénéfice à la fois pour l’employeur et les salariés.
Mais c’est justement là un des pièges de l’actionnariat salarié. Car il menace la protection sociale, en organisant le dépérissement de son financement.
Les cotisations sociales sont la source du financement de la protection sociale (assurance maladie, retraites, chômage). Le système dit “par répartition” est un acquis majeur des luttes sociales, il est basé sur la solidarité. Son fonctionnement repose sur la socialisation d’une partie de tous les salaires, et sa répartition directement vers la protection sociale, sans passer par le marché financier, donc sans donner lieu à des profits.
Et c’est bien ce qui est insupportable pour les libéraux. Leur ambition est de faire basculer dans le domaine du marché financier la masse énorme que représente ce financement, et leur stratégie consiste à affaiblir le système par répartition, à le réduire à un minimum pour faire une place de plus en plus grande à la finance. C’était l’objet de l’attaque contre les retraites en 2003, comme de celle de 2004 sur l’assurance maladie, et c’est aussi le fond des attaques contre les services publics. C’est réellement une offensive tous azimuts pour transformer toute chose, bien ou service, en marchandise car la marchandise seule donne lieu à profit. Il est important de comprendre comment le développement de l’actionnariat salarié participe de cette offensive.
L’autre volet est celui de l’exonération d’impôt – ou l’allègement fiscal – qui caractérise l’actionnariat salarié. Les impôts sont la base des recettes de l’Etat. On peut contester ses dépenses mais on peut difficilement soutenir que plus le budget de l’Etat sera faible, plus le bien être collectif sera grand. Les pays nordiques, qui ont le meilleur indicateur de développement humain sont aussi ceux qui ont le plus fort budget. De plus, les impôts sur le revenu sont les prélèvements les plus justes car les seuls progressifs et donc les seuls redistributifs (contrairement à la TVA par exemple). Payer moins d’impôt sur le revenu est en réalité contraire à l’intérêt collectif.
● Second argument pour vanter l’actionnariat salarié, proche du premier mais dans une version “justice sociale“:
“L’entreprise vous rémunère pour le travail que vous faites, mais il se pourrait que votre travail se révèle beaucoup plus productif que l’entreprise ne l’imagine aujourd’hui et, si tel est le cas, elle enregistrera des surplus considérables en termes de bénéfices. Il n’y a aucune raison pour que cet excédent aille entièrement aux actionnaires et pas aux salariés” (Strauss Kahn)
Aucune raison en effet, et il y a une manière très simple que “l’excédent n’aille pas entièrement aux actionnaires” lorsque le travail des salariés “se révèle plus productif” que prévu, c’est d’adopter une clause de progression des salaires en fonction des gains de productivité. Ce qui est tout à fait d’actualité à EDF-GDF.
En % de la valeur ajoutée 1982 2002
Masse salariale 72 64
PROFIT 28 36
Dont investi 20 20
Non investi 8 16
Données issues de M. Husson, “les casseurs de l’Etat social, La Découverte, 2003
Remarque : C’est parce que cette clause n’existe pas que la masse salariale en France est descendue de 72% de la valeur ajoutée en 1982 à 64% en 2002. Ces 8 points perdus pour la masse salariale ont été récupérés par les profits, et plus précisément par les profits non investis (distribués en dividendes) comme le montre le tableau. Cette évolution au détriment des salaires signifie que les gains de productivité dégagés par le travail des salariés ont été accaparés par les dividendes. Il est donc urgent de revenir sur cette répartition des revenus, c’est à dire sur le partage capital/travail. Et une fois la masse salariale revenue au niveau de 1982, d’instaurer une progression salariale suivant a minima l’augmentation de productivité.
2- Illusion sur l’actionnariat salarié
L’actionnariat salarié est souvent présenté comme un moyen d’associer les salariés à la gestion de l’entreprise : ils pourraient ainsi s’opposer à une gestion uniquement tournée sur la rentabilisation financière et y introduire des critères sociaux, environnementaux, etc. On parle même de démocratie actionnariale ! A EDF-GDF, certains pensent qu’il faudrait promouvoir une association du type “petits porteurs” pour les salariés !
D’abord on ne voit pas bien pourquoi le patronat ferait des pieds et des mains pour se défausser de son pouvoir de gestion des entreprises en faveur de ses salariés ! En fait, l’actionnariat salarié ne menace absolument pas son pouvoir. Il est concrètement très limité et ne dépasse pas quelques points de capital. L’entreprise qui distance les autres en la matière est la Société générale avec 7% du capital.
Surtout, si on veut étendre le pouvoir des salariés dans la gestion de leur entreprise, il y a beaucoup mieux que l’actionnariat : c’est de leur attribuer de nouveaux droits sociaux ! Par exemple renforcement de leurs prérogatives dans les conseils d’administration et les comités d’entreprise, droit de veto sur les plans de licenciement, sur les stratégies de l’entreprise (et y compris y associer les usagers dans le cas de service public).
Pour Sud Energie, pas question d’encourager les agents à participer à l’actionnariat qui conduira demain la direction à organiser les suppressions de postes et les licenciements pour mieux rétribuer les actionnaires, fussent-ils salariés. Restons honnêtes envers nos idéaux.
EDF – GDF ENTREPRISES 100% PUBLIQUES
[1][1] Cet argumentaire s’appuie sur B. Friot ” L’épargne salariale ou la capitalisation honteuse “